Accueillir des personnes en réinsertion dans les locaux de notre entreprise : les Bureaux du Cœur

Secteur d'activité applicable : Entreprises qui ont des locaux qui ne sont pas des locaux commerciaux

Entreprise témoin : Nobilito

Maturité

Premières actions

Investissement €

Moyen

Temps humain

Faible

Entreprise témoin

Nous sommes une agence de communication créée en 2007 et installée sur l’île de Nantes. L’entreprise compte aujourd’hui 33 salariés.

Objectifs

La réinsertion d’une personne est fondée sur 3 éléments : la réconciliation avec soi-même, le logement, et un emploi. En ouvrant nos locaux aux personnes en réinsertion, nous leur offrons l’un d’eux, et donc une possibilité de se reconstruire et d’avancer.

Notre objectif n’est pas l’encadrement social, ce n’est pas notre métier et c’est pourquoi nous sommes accompagnés d’associations qui nous présentent les invités à accueillir, tout en continuant leur travail d’accompagnement pour les réinsérer. C’est en ayant un toit qu’une personne est plus facilement susceptible de se reconstruire et de trouver un travail.

En parallèle, cela nous permet de proposer à nos salariés une expérience de solidarité très naturelle.

Contexte

Nous sommes une entreprise hôte, mais je suis également l’initiateur de l’association des Bureaux du Cœur.

Le projet d’accueillir des personnes sans domicile est arrivé en plusieurs étapes, et a été réellement lancé il y a deux ans.

Tout d’abord, le sujet a été amorcé lors d’une discussion avec ma femme pour accueillir un migrant, mais l’intrusion dans l’intimité me semblait trop forte. En parallèle, le croisement quotidien avec une personne vivant dans la rue devant nos locaux me posait question.

Le projet a commencé à prendre forme lorsque j’en ai parlé avec des chefs d’entreprise du CJD, et qu’une quinzaine de personnes m’a suivi dans ce projet. Aujourd’hui, 5 de ces personnes portent encore le projet avec nous.

Nous avons mis un an pour nous poser des questions, imaginer différents scénarios possibles, et se faire peur. Nous avions tout simplement peur de l’inconnu, car nous ne savions pas encore la richesse que les échanges allaient nous apporter. Au bout d’un an, une association nous a donné son accord pour nous suivre et trouver des personnes à accueillir, mais nous avons encore attendu quelques mois de plus, bloqués dans nos peurs.

L’association nous a alors conviés à un déjeuner au foyer pour rencontrer les personnes en situation de précarité, et nous demander, en tant que chefs d’entreprise, de leur faire passer des entretiens d'embauche pour les entraîner. Ces échanges riches et très agréables ont finalement levé nos peurs, et nous ont permis de nous lancer.

Les associations, comme Saint-Benoit Labre, Permis de Construire, le CCAS, le CFP Presqu’île, le Réseau Ecole de la Deuxième Chance ou encore l’Ouvre Porte, qui nous ont accompagnées dans ce projet nous ont aidé à poser des conditions d’accueil.

Méthode

1 - Lorsqu’on souhaite accueillir une personne en situation de précarité, et qu’on identifie que cela semble possible dans nos locaux, on se met en contact avec l’association les Bureaux du Cœur, qui s’assure lors d’un premier échange téléphonique que cela est bien possible.

2 - L’association vient ensuite visiter l’espace d’accueil pour vérifier sa praticité, sa sécurité etc. Des recommandations peuvent être données à l’entreprise pour faciliter l’accueil.

3 - On se met en contact avec les assurances pour valider le projet et s’assurer que les garanties habituelles seront bien conservées.

4 - Adhésion à l’association des Bureaux du Coeur et signature de la charte de valeurs.

Les Bureaux du Cœur sont eux-mêmes en contact avec des associations partenaires qui proposent les invités à accueillir selon des critères bien définis (personnes en réinsertion, pas de dépendance aux drogues ou à l’alcool etc).

5 - Un contrat est ensuite établi entre l’association partenaire qui présente l’invité, l’invité lui-même et l’entreprise. Sa durée est de 3 mois renouvelable 1 fois.

6 - Accueil de l’invité, avec une vraie remise de clés en présence des salariés, pour impliquer les collaborateurs dans l’accueil et afin qu’une relation puisse se créer.

7 - Au cours de l’accueil, l’association des Bureaux du Cœur vérifie que l’association partenaire accompagne bien la personne dans ses recherches de réinsertion.

Pour l’entreprise, l’objectif est de créer des espaces qui peuvent être utilisés la journée mais qui ne sont pas stratégiques (salles de pause etc) et qui sont équipés avec point d’eau, coin cuisine etc. L’objectif n’est pas de faire des travaux pour aménager, mais d’utiliser les espaces existants les plus appropriés, de les délimiter éventuellement en redirigeant la télésurveillance (un espace pour l’invité non télésurveillé, et le reste de l’entreprise sous vidéosurveillance par exemple).

Il faut au minimum un point d’eau, un espace repas, des sanitaires (la douche est un plus) et un canapé-lit. Lorsque l'on souhaite accueillir un hôte, on compte environ 1 voire 2 journées homme pour la mise en place de la démarche.

En pratique

Notre première expérience d’accueil a été un échec : après avoir visité les locaux, l’invitée a refusé d’y être accueillie. Il faut avoir en tête que ce n’est pas simple pour un invité d’arriver dans une entreprise, il y a beaucoup de monde, il peut ressentir une forme de gêne que l’on respecte, même si elle se lève généralement très vite.

C’est la seule fois où cela est arrivé, mais c’est aussi le deal : après la visite des locaux, l'entreprise comme l’invité peut refuser l’accueil.

La première personne que nous avons réellement accueillie a généré un élan de solidarité au sein des collaborateurs. L’invité est arrivé avec un sac poubelle contenant ses affaires, un salarié lui a donné dès le lendemain de son arrivée un vrai sac. Un autre lui a prêté un téléphone pour qu’il puisse appeler sa famille.

Et tous les invités que nous avons accueillis sont repartis avec un CV refait. Tout cela s’est fait très naturellement, et nous partageons régulièrement des moments de convivialité de manière informelle et spontanée.

Chez Nobilito, nous convenons avec l’invité d’une arrivée à partir de 17h-18h (ces conditions sont définies par chaque structure), et qu’il soit prêt à partir à 8h30.

Résultats

Chez Nobilito, nous avons accueilli 4 personnes pour le moment, mais dans les autres entreprises, l’accueil tourne un peu plus souvent : la plupart ne reste pas plus d’un mois.

La richesse des échanges avec les personnes accueillies est un vrai point fort.

Aujourd’hui, une soixantaine d’entreprises dans toute la France accueille des personnes en grande précarité dans le cadre des Bureaux du Cœur (principalement dans l’Ouest).

Jusqu’ici, aucune n’a décidé d’arrêter d’accueillir des invités, car l’essayer c’est l’adopter ! Cela ne génère aucun changement dans la vie de l’entreprise, et ne consomme pas de temps.

Facteurs clés de succès

Il ne faut pas que ce soit trop contraignant pour l’entreprise, c’est le fonctionnement même des Bureaux du Cœur, qui conditionne d’ailleurs l’accueil à 1 seul invité à la fois.

L’accompagnement par une association permet de structurer l’accueil et de rassurer.

Il faut avoir des locaux adaptés (quelques équipements notamment).

Contraintes et limites

Il n’est pas possible d’accueillir des personnes ayant des addictions, des problèmes d’hygiène, psychiatriques, un suivi médical, possédant un animal, … Il n’est pas possible d’accueillir tout le monde.

Ces critères sont cadrés en amont via les associations.

Lorsque ce projet est mis en place dans une entreprise, il n’y a pas de réticence particulière de la part des salariés, mais il peut y avoir quelques craintes (souvent infondées et non malveillantes) de la part des dirigeants : “la peur de l’inconnu”.

Les salariés sont embarqués facilement, car le projet ne les mobilise que très peu. Ils peuvent s’impliquer, au volontariat pour s’occuper du suivi et de l’accueil de l’invité, à tour de rôle. Ils vivent également une expérience de solidarité unique, en face à face, sans le filtre de l’argent ou d’une organisation tierce. Ils peuvent se mettre au service de l’invité.

Le frein est surtout légal, car il faut être assuré, et à ce jour toutes les assurances ne jouent pas le jeu ; et il y a également un frein juridique car les bailleurs peuvent refuser d’accueillir des invités dans leurs locaux.

Certaines entreprises ne peuvent pas accueillir (banques, librairies…), car il faut nécessairement des locaux non commerciaux.