Devenir société à mission

Secteur d'activité applicable : Tous secteurs

Entreprise témoin : Connexing

Maturité

Aller plus loin

Investissement €

Moyen

Temps humain

Important

Entreprise témoin

Connexing a été créée en 2009, avec pour objectif d’origine de fournir aux entreprises du matériel téléphonique recyclé. Aujourd’hui, notre offre a beaucoup évolué (matériel de visio, casque, smartphones…), toujours avec la logique de matériel reconditionné, éco-conçu ou réparé via des prestataires français appropriés.

Nous comptons une trentaine de collaborateurs installés en France (principalement), mais aussi en Italie et à Bruxelles.

Notre engagement RSE a toujours été présent, nous avons été labellisés Lucie dès 2013, puis BCorp pour l’aspect international, et nous sommes historiquement la première entreprise à mission du secteur de l’IT (il y a deux ans).

Objectifs

Notre principale motivation a été de sanctuariser notre engagement RSE comme étant un élément essentiel chez Connexing, afin que les missions et l’ADN de l’entreprise ne changent pas même si l’actionnariat change.

Contexte

Nous avons commencé à entendre parler des sociétés à mission grâce à BCorp. En remplissant le questionnaire en ligne, nous avons réalisé le niveau d’exigence demandé pour passer société à mission.

Nous avons donc décidé de challenger ce que nous faisions pour essayer de nous améliorer en menant des plans d’action.

Nous avons suivi la promulgation de la loi PACTE en 2019, en nous rapprochant notamment d’universitaires pour bien comprendre ce que signifiait être une Entreprise à mission et quelles étaient les modalités, les contraintes et les impacts.

Nous avons pris la décision de nous engager dans cette démarche car cela respectait notre volonté d’avoir un business model à impact positif. Nous avions également la volonté d’être pionnier comme nous l’avons été sur la partie recyclage de nos produits, afin de garder une longueur d’avance sur cette différenciation RSE qui fait notre ADN.

Méthode

Étant formateur entreprise à mission au sein du CJD, je me suis approprié la méthodologie au fur et à mesure, en animant une commission entreprise à mission et en accompagnant une dizaine de jeunes dirigeants chaque année. Tous ne passent pas société à mission (certains ne le souhaitent pas forcément ou n’ont pas la capacité de le faire), mais ils sont sensibilisés à la démarche et ont les outils pour le faire.

Il y a eu différentes phases :

1/ Phase préparatoire :

  • Création d’une équipe projet et avec elle, définition des rites, des valeurs, du champ lexical autour de l’entreprise à mission (2 réunions)
  • Partage aux collaborateurs à travers des réunions d’information, par petit groupe (6 réunions de travail avec du brainstorming etc)

2/ Dépôt des statuts, une fois devenus officiellement Entreprise à mission

3/ Constitution du Comité de mission

Nous l’avons souhaité représentatif de notre activité : 2 salariés, 2 associés (le PDG et moi-même), 2 clients (l’Adapei 44 et Storengy), 2 fournisseurs, 1 association (Planète Urgence), et notre OTI (Organisme Tiers Indépendant : HLP). Ces membres nous suivent depuis 2 ans. L’idée est de toujours garder cette structure, mais pas nécessairement toujours les mêmes personnes : à chaque assemblée générale, nous envoyons une convocation et un PV de réunion, et les membres nous informent s’ils seront présents lors de la prochaine AG. Pour le moment il n’y a pas eu de défection, mais si certains souhaitent quitter le comité, il peut également être intéressant de compter de nouveaux membres.

4/ Elaboration d’une feuille de route

Pour cela, nous avons choisi 3 ODD. Pour chacun, nous avons déterminé 3 engagements très concrets.

ODD chez Connexing

5/ Suivi de l'exécution de la mission

  • Il y a un audit tous les ans de la part d’un OTI (différent de celui de notre comité de mission, afin qu’il ne soit pas juge et partie). Cet OTI est chargé d’accompagner les entreprises dans leur projet d’entreprise à mission, ou d’auditer les entreprises pour contrôler l’exécution de la mission définie.
  • Le comité de mission se réunit tous les 6 mois afin de valider l’avancement de chaque engagement.
  • Au quotidien, nos engagements sont affichés dans nos locaux, et nous en parlons à chaque réunion trimestrielle. Ensuite, chaque salarié est libre de s’en emparer (pour cela, des moyens sont à leur disposition : nous leur offrons par exemple une demi-journée consacrée à la RSE).

Au total, nous avons mis 1 an, mais la partie administrative finale a pris plus de temps que prévu (4 mois pour obtenir le Kbis contre une dizaine de jours en temps normal), car nous étions les premiers à vouloir poser ce statut d’entreprise à mission à la Chambre de Commerce, qui ne savait pas comment faire.

En pratique

Chez Connexing, nous avons donc travaillé en intelligence collective, et avons impliqué toute l’équipe :

Nous avons commencé par définir nos rites pour savoir ce qui différencie Connexing d’une autre entreprise, et ce qui fait notre quotidien (toutes les petites choses qui déterminent comment on organise la vie en entreprise).

A partir de là, nous avons défini nos valeurs : EPOC (Explorer, Protéger, Oser et Connecter) :

  • Explorer : nous explorons des façons de réparer, des nouveaux types de service… Cela fait partie du quotidien des équipes, nous poussons les marques à rendre leurs produits réparables par exemple.
  • Protéger : tant la protection de l’environnement que la protection sociétale à travers le parrainage SOS Village d’Enfants que nous soutenons (par le biais de cours de cuisine, de musique et de soutien scolaire)
  • Oser : chez Connexing, les collaborateurs sont invités à lancer des projets, même si tout n’aboutit pas.
  • Connecter : ce que nous vendons sert à connecter les gens - le côté humain est primordial chez Connexing.

Il nous a ensuite fallu déterminer la mission : le débat fut long et animé, lors de réunions ou de déjeuners par petits groupes avec toute l’entreprise, mais nous avons finalement trouvé 2 missions : 1 version française : “connecter humains et organisation, réunir solutions technologiques et respect de la planète” ; et 1 version anglaise : “make IT human, simple, green and clever” (dans le sens malin).

Le comité de mission nous permet de repartir avec plusieurs éléments à retravailler, car ils sont assez curieux et impliqués dans nos objectifs de société à mission (pourquoi tel indicateur a diminué etc). Nous avons choisi le comité de mission plutôt qu’un référent de mission car c’est plus participatif et plus vivant, cela nous permet également d’avoir plus d’idées.

Nous avons fortement été encouragés par nos clients, car pour certains nous traitons directement avec les responsables RSE qui font le marché aujourd’hui, et pour qui il est important que les entreprises qu’ils font travailler engagent des actions concrètes. Nos clients nous ont donc bien suivi, d’autant qu’ils connaissaient nos valeurs écologiques et environnementales à minima de par notre cœur d’activité. Aujourd’hui, il nous arrive d’aller témoigner chez nos clients de notre quotidien d’entreprise à mission.

Les seules personnes qui nous ont mis en garde (sans pour autant chercher à nous en dissuader) ont été nos comptables et conseillers bancaires, car cela peut pénaliser la valorisation de la société (on rajoute une contrainte) si on veut vendre son entreprise. Mais quand on entre dans cette démarche, nous n’avons généralement pas pour objectif de vendre l’entreprise ensuite.

Nous n’avons pas quantifié le temps passé, mais lors de l’accompagnement des jeunes dirigeants dans le cadre du CJD, nous consacrons une matinée par mois pendant 8 mois, (8x4h soit 32h), et cela permet d’avoir les clés pour déposer ses statuts, si le travail de réunion avec les parties prenantes a bien été réalisé en parallèle.

Côté financier, le coût est lié à l'audit de l'OTI, qui varie selon l'organisme. Il faut compter entre 1000€ et 1600€ par journée d'audit environ (données 2022). Le nombre de journées d'audit varie en fonction de la taille de l'entreprise, le nombre de missions, la maturité de l'entreprise dans la démarche etc.

Résultats

Le premier résultat dont nous avons bénéficié est lié au projet en lui-même : il s’agit d’un projet collaboratif avec toutes les parties prenantes, un collectif s’est créé quel que soit le résultat, nous avons fait cela ensemble.

L’impact est également dans la politique commerciale de l’entreprise, car nous faisons en sorte qu’il soit plus intéressant pour nos commerciaux de vendre du matériel recyclé que du matériel neuf, même si ce n’est pas toujours évident.

Nous avons communiqué sur notre nouveau statut à travers notre site internet, nos réseaux personnels (CJD (centre des jeunes dirigeants), DRO (dirigeants responsables de l’ouest), APM (association progrès du management), CEC (convention des entreprises pour le climat), MFQM (mouvement français qualité et management)...), et lors des 10 ans de la société, en 2019 (même si nous n’avions pas officiellement le Kbis, le travail avait été fait, on connaissait nos valeurs, nos missions et notre raison d’être).

Certains de nos objectifs ont été atteints, mais nous n’avons réalisé que 20% de ce que nous nous étions fixés sur cette première année. Nous avons probablement eu des objectifs trop ambitieux :

  • Prioriser/Sourcer pour chaque catégorie de produit, les solutions alternatives Green => Nous sommes partis de trop loin, cela nous prend beaucoup de temps mais l’objectif reste atteignable, il s’agit simplement d’une question de temps.
  • Identifier/Imaginer/Co-construire un projet novateur de réutilisation de vieux matériel => Nous ne sommes que distributeurs, cet objectif n’est probablement pas approprié pour Connexing, selon moi il est à revoir.
  • Augmenter le pourcentage des ventes de nos activités responsables pour atteindre l’équilibre à 50% => Le contexte macroéconomique (pénuries, guerre en Ukraine, flambée des prix du transport) rend le métier de distributeur très compliqué en ce moment. Nous ne sommes pas encore à l’objectif.

Facteurs clés de succès

Hormis l’ADN de l’entreprise et la démarche RSE qui doit être importante, il me semble primordial de le faire collectivement.

Il est également très important de communiquer aux équipes les avancées sur le sujet, afin que ce soit concret et présent dans les esprits, au travers de réunions, séminaires ou autre. Il est important que l’information soit accessible.

Personnellement, je pense que si la structure est à taille humaine, il est plus facile d’infuser toutes les strates de l’entreprise.

Contraintes et limites

  • Trouver le bon niveau d’information n’est pas évident, nous avons connu cette difficulté au départ. Nous n’avions pas beaucoup de littérature et d’exemples autour de nous sur lesquels nous appuyer.

  • Expliquer à nos clients, fournisseurs etc, pourquoi on entreprend cela, quel est le bénéfice : au vu du temps que cela prend, il faut faire preuve de pédagogie pour prouver l’intérêt de la démarche. Sinon cela peut paraître un peu lunaire, utopique.

Outils et ressources

Nous nous sommes rapprochés de Geneviève Ferrone et de Climène Koechlin pour trouver les informations dont nous avions besoin au départ.

Livre de Geneviève Férone, éditions Prophil et Sycomore - Guide des entreprises à mission. Très léger, mais il y a vraiment l’essentiel dedans, nous nous en sommes vraiment inspirés.

Mais aussi le livre “La permaentreprise : Un modèle viable pour un futur vivable, inspiré de la permaculture”, de Sylvain Breuzard.

Contact : Hubert Poupelin : h.poupelin arobase connexing.com

https://www.linkedin.com/in/hubert-poupelin/